Insights | 11 July 2024

Propriété intellectuelle : quel préjudice « difficilement réparable » ouvre la voie aux mesures provisionnelles urgentes ?

Obtenir des mesures provisionnelles urgentes nécessite de répondre à des exigences strictes, particulièrement lorsqu’il s’agit de mesures équivalant à une exécution anticipée du jugement final. Parmi ces conditions, la démonstration d’un préjudice difficilement réparable est cruciale.

La Cour de justice de Genève a, dans un arrêt récent, jugé que le fait pour un client de poursuivre l’utilisation d’un logiciel de gestion de moyens de paiement électronique après la résiliation (contestée) du contrat de licence n’était pas de nature à causer un préjudice difficilement réparable à la société titulaire du logiciel.

La Cour n’a, par conséquent pas donné suite à la requête de cette dernière visant à interdire urgemment au client de cesser l’utilisation du logiciel en cause.

Le raisonnement de la Cour peut être résumé comme suit :

  • Les mesures requises, qui portent sur la cessation immédiate de l’utilisation du logiciel, sont similaires aux conclusions que la société requérante entend prendre au fond. Elles s’apparentent ainsi à des mesures anticipées du jugement à rendre, de sorte que leur octroi doit être admis de manière restrictive
  • Le préjudice causé par la poursuite de l’utilisation, par hypothèse illicite, du logiciel post-résiliation pourrait être compensé par une indemnité financière équivalant, par exemple, aux redevances payées par le client jusque-là. Le préjudice n’est dès lors pas « difficilement réparable »
  • La requérante n’a, pour le surplus, pas rendu suffisamment vraisemblable qu’elle aurait subi un dommage de nature immatérielle (ex : atteinte à l’intégrité du logiciel par une modification du code source)

De manière générale, les tribunaux suisses retiennent l’existence d’un préjudice « difficilement réparable » en matière de litiges en droit de la propriété intellectuelle dans les cas de figure suivants :

  • Risque de perte de clientèle
  • Risque d’atteinte à la réputation
  • Risque de trouble créé sur le marché par l’utilisation d’une marque créant un risque de confusion

Un préjudice qui peut être compensé par une indemnité financière n’est en principe pas « difficilement réparable », hormis les cas où il est susceptible d’entraîner la faillite de l’intéressé ou lorsque la solvabilité de sa partie adverse est douteuse.



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