Insights | 22 August 2024

Cautio judicatum solvi

Une partie demanderesse confrontée à des difficultés financières peut-elle être astreinte à fournir des sûretés en garantie des dépens ? Brèves réflexions au sujet d’un récent arrêt de la Cour d’appel civile vaudoise

 

Dans certaines circonstances, la partie demanderesse à un procès civil peut se voir ordonner de fournir des sûretés en garantie des dépens, dont le but est d’apporter à sa partie adverse une assurance raisonnable qu’en cas de gain du procès elle sera en mesure de recouvrer les dépens qui lui seront attribués. Tel est notamment le cas si la partie demanderesse est confrontée à des difficultés financières.

La Cour d’appel civile vaudoise a, dans un arrêt récent, refusé d’ordonner la fourniture de sûretés au motif que les conditions de l’art. 99, alinéa 1 lettres b) et d) CPC n’avaient pas été rendues vraisemblables.

Le raisonnement de la Cour peut être résumé comme suit :

  • Une cautio judicatum solvi peut être requise tant en première instance qu’en appel
  • La cautio est justifiée notamment si la partie demanderesse « paraît insolvable », notamment en raison d’une mise en faillite, d’une procédure concordataire en cours ou de la délivrance d’actes de défaut de biens
  • Elle est également justifiée si d’autres raisons font apparaître un « risque considérable » que les dépens ne soient pas versés, soit, par exemple, si la partie demanderesse fait l’objet de multiples commandements de payer pour des causes diverses, si elle a eu besoin d’un sursis ou d’une remise concernant les frais d’une autre procédure ou si elle fait l’objet de saisies de salaire en cours
  • Dans le cas d’espèce, l’existence de quatre poursuites pour un montant total de CHF 6’200, répandues sur un période de cinq ans, dont la dernière a été intégralement payée trois ans auparavant, ne permet pas de démontrer que la partie demanderesse serait en proie à des difficultés actuelles de trésorerie
  • De même, le fait que la partie demanderesse ait requis une prolongation du délai imparti par l’autorité judiciaire pour fournir l’avance de frais requise par la loi (CHF 2’900 en l’occurrence) est dénué de pertinence dans la mesure où ladite avance de frais a été payée dans le délai prolongé
  • Il n’appartient pas à la Cour de se livrer à une analyse poussée de la santé financière de la partie demanderesse ; il ne se justifie dès lors pas d’ordonner à cette dernière de divulguer de quelconques documents comptables ou corporatifs (comptes de pertes et profits, bilans, procès-verbaux des séances de l’assemblée générale des actionnaires, des séances du conseil d’administration, etc.)

 

C’est le lieu de relever, à titre d’exemples, que les tribunaux helvétiques ont ordonné la fourniture de sûretés en garantie des dépens dans les cas suivants :

  • Lors de l’existence d’un (seul) acte de défaut de biens, définitif ou provisoire, ou de poursuites régulières émanant, notamment, d’entités publiques (Confédération, Cantons, Caisse AVS), de plusieurs saisies et d’un prononcé de faillite (même s’il a été annulé par la suite)
  • Lorsqu’une entreprise réduit considérablement son chiffre d’affaires, subit des pertes et ne verse plus de salaires
  • Lorsqu’il est démontré qu’une société est manifestement sous-capitalisée au regard de son but social
  • Lorsqu’une entreprise déclare n’être qu’un instrument financier d’autres sociétés et ne dispose d’aucune ressource propre, et donc d’aucune liquidité
  • Lorsqu’une société a déjà soustrait, par le passé, des biens à une masse en faillite


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